Par Tifenn Duchatelle
S’habiller Afin de plaire. a qui ?
Choisir 1 vetement le matin, oui, mais pour qui ? Pour soi-meme ? Pour 1 homme ? Et si, finalement, c’etait le regard des autres meufs qui comptait le plus ? Analyse et temoignages.
Par Tifenn Duchatelle
Scene de la « vie conjugale »
Scene d’une « vie conjugale ». Dans 1 grand boutique parisien, une jeune femme en pleine crise de doute : robe babydoll ou jean extralarge ? En assistant zele, le fiance tranche : la jupe ! Un quart d’heure apri?s, analogues a la voiture avec. le jean. L’avis du garcon ? Zappe. Un vent de rebellion feministe soufflerait-il chez les fashionistas ? Meme pas. « Ca se passe bien moyen comme ca, resume J’ai vendeuse. Les meufs demandent son avis a leur fiance Afin de enfin faire exactement le contraire ! » Notre verite sort d’une bouche des vendeuses. Si nous sommes capables de courir l’equivalent du Marathon de New York pour tomber sur « le » bon jean ou si, chaque matin ou presque, un drame se a en face du miroir, ce n’est gui?re concernant le joie visuel du male. Ou si peu. « Une cherie s’habille pour plaire. Mais pas forcement a toutes les hommes, constate le psychiatre Samuel Lepastier. En fait, elle ne s’habille jamais Afin de draguer quelqu’un en particulier, mais Afin de seduire d’ordinaire. »
Seduire qui ? En theorie : elle-meme
Seduire qui ? En theorie : elle-meme. Et en fonctionnel : nos meufs ! Amies, ennemies, voisines, passantes, quel que soit, inconsciemment, dans le cerveau, ca fait tilt : fille egale rivale. Et. meilleur instrument de mesure de notre degre de seduction : « Si une fille me fait un compliment sur la facon dont j’habite habillee, je chope ca mille fois plus flatteur que si ca vient d’un mec, constate Chloe, 26 ans. En fait, un compliment venant d’un garcon, j’ai trouve ca limite louche. Je ne pourrais pas m’empecher de penser que je suis habillee tel une pouffe, que la jupe reste trop courte ou mon T-shirt trop decollete ! » En revanche, le regard d’envie d’une congenere dans notre derniere paire de ballerines Olivier Jacobs suffit a embellir la journee. « L’autre fille joue le role de miroir et claque de se sentir seduisante ou encore habillee doit vraiment se confirmer dans ses yeux », explique le sociologue Jean-Claude Kaufmann, auteur de « l’actrice seule et le Prince charmant » (ed. Armand Colin). Une simple visite sur le Net le confirme. On ne compte plus des blogs mode ou les meufs en quete d’approbation feminine se mettent en scene au sein d’ leurs fringues, ni lessites pointus tel The Sartorialist ou Face Hunter ou les chasseurs (ou chasseuses) de looks mettent en ligne les photos de creatures dont l’allure leur a tape dans l’oeil, afin que chacune des fashionistas de la planete puissent s’en inspirer. « Aujourd’hui, nous sommes constamment juges, reprend Jean- Claude Kaufmann. Il va falloir etre tendance aussi Afin de aller chercher le pain ! Le mecanisme reste collectif : comme de plus en plus de personnes font de plus en plus d’efforts, i§a rend la competition tres ardue ! »
A peine franchie la porte de son domicile
A peine franchie la porte de son domicile, donc, on se fait mater et on passe des autres au scanner. « Chaque matin, je peaufine ma tenue, mais il suffit que je mette les pieds dehors pour que je tombe dans une fille avec l’allure revee. Si je porte un slim et mon blouson i lacets notamment, ca ne rate jamais : je vais m’extasier devant une fille superfeminine en mini-robe ! A chaque fois, ca me rend dingue, je me dis “C’est exactement a ca que J’ai voulu ressembler !” » gemit Sophie, 30 ans, en pleine quete de le moi ideal. L’existence n’est pas facile : on souhaite toujours votre que porte la petite passante croisee dans un magasin. Ou dans la cabine commune, devenue quasiment inevitable dans les boutiques depuis que la styliste Agnes b. l’a lancee au sein des annees 80. « C’est simple, il n’y a rien de mieux pour vendre un vetement qu’une jolie fille qui l’essaie. Ensuite, l’ensemble des clientes veulent votre meme chose ! » raconte Sonia, vendeuse dans une enseigne du Marais. Pourquoi cet eternel besoin de « copiercoller » le look de sa voisine ? « C’est i nouveau l’effet miroir, explique Samuel Lepastier. S’offrir les vetements que a une fille qu’on admire, c’est se glisser dans sa peau et se apporter l’impression d’etre aussi belle, bien foutueet desirable qu’elle. » D’ou l’enorme succes d’une collection dessinee par l’icone fashion Kate Moss Afin de TopShop. Et la multiplication de partenariats ponctuels entre stars glam’ et marques de fringues grand public : H&M et Kylie Minogue, Mango et les soeurs Cruz, Penelope et Monica, ainsi,, dernier en date, Lee Cooper et Lou Doillon.
Est-ce i fond, docteur
Est-ce i fond, docteur, une telle facheuse mode a emprunter le type d’une copine ou a se comparer sans cesse a l’ensemble des filles que l’on croise ? Faut-il y voir le signe inquietant d’un gros manque d’estime sans dire ? Souvent pas : « On a tous besoin du regard de l’autre, c’est tel ca qu’on se construit, tempere Samuel Lepastier. Apres, bien peut dependre du degre de dependance a ces regards. Y etre trop attachee cache souvent un probleme avec la mere. J’ai toute premiere rivale, c’est cette dernii?re. Si le regard qu’elle a pose sur sa fille a ete bienveillant, celle-ci n’aura aucune raison de douter de une capacitede seduction. En revanche, si la mere n’a gui?re su faire de compliments, la, il est en mesure de y avoir 1 reel deficit de confiance en soi. » Dans le livre « Notre Fille de sa tante » (Les Editions de l’Homme), la psychologue Veronique Moraldi va plus loin. Selon celle-ci, porter de beaux vetements reste une maniere de reparer son narcissisme blesse et de chercher au sein des yeux des autres la reconnaissance qu’on n’a pas vue dans le regard de sa maman. Mais, la bien, nuance : on ne s’habille gui?re pour plaire ou taper dans l’oeil de chacune des filles. Juste pour celles de sa propre tribu. Celles qui nous ressemblent ou a qui l’on espere ressembler. J’ai « Kate Moss » du quartier se fiche de l’avis de sa voisine « girly » comme de son premier slim ! Pour Florence Muller, historienne et professeure a l’Institut francais en mode a Paris : « S’habiller permet de donner un message sur soi-meme ainsi que se positionner dans la societe oudans un groupe. Les marques peuvent ainsi faire office de passeport a l’ascension sociale, le vetement s’assimile aussi a un symbole de pouvoir. »